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Napoleon1news
20 septembre 2008

[Paris Match.fr] Villepin pour le meilleur et pour l'Empire

En son temps, Alain Juppé, parfois fatigué de la politique, avait parlé de la « tentation de Venise », ce rêve de tout quitter, de prendre sa plume et d’aller écrire entre deux cappuccinos au café Florian. Il y songe encore. Dominique de Villepin, à l’allure de hussard, a eu l’énergie de le faire. Plutôt que de tourner en rond dans la petite cour de promenade qu’est la vie étriquée des anciens chefs de gouvernement restés dans le sérail, il a choisi d’aller déployer ses ailes dans la littérature. Tant qu’à reculer, autant le faire en s’élevant. Parfois il s’égare dans la poésie, où il nous renvoie vite à notre cambouis intellectuel. Ses recueils sont un vrai carnaval de termes emphatiques que le lecteur déchiffre comme une boîte noire. Mais, à d’autres heures, il rédige des essais historiques et là, trêve de sarcasmes, il se promène dans la jungle des annales comme Stanley à travers le Congo. A défaut d’avoir la gloire et les splendeurs du pouvoir pour servantes, Villepin les prend pour compagnes et pour sujets d’études. Et, là où, poète, il se soûlait de mots, devenu historien, il se révèle sobre comme un dictionnaire et ardent comme un best-seller. Sujet du livre : Napoléon. Au début, nous sommes en 1808. L’Ogre n’a pas 40 ans et il règne sur l’Europe, qu’il triture à sa guise. A Tilsit, avec le tsar Alexandre Ier, ils se sont partagés le continent, tels Dioclétien et Maximien scindant l’Empire romain en deux. Au Russe, la Finlande, la Pologne et les terres du sultan ottoman. Au Corse, qui se veut Charlemagne, empereur des rois, l’Occident. Pourquoi pas ? Personne ne semble en mesure de l’empêcher d’ajouter sans cesse des pages à son roman personnel. L’Angleterre proteste, mais les autres couronnes tremblent. Si Napoléon veut détrôner Alexandre, Hannibal et César, nul n’a le pouvoir de l’en empêcher. Nul, sinon lui-même. Et le livre montre à merveille comment le Petit Caporal va se noyer dans ses conquêtes et sa mégalomanie. Le rêve est sublime : il veut pour toute l’Europe un code civil, une monnaie, des poids et mesures ainsi qu’une capitale, Paris. Malheureusement, les résultats ne sont pas aussi prompts que la pensée est rapide. Démesurément étendu, l’empire échappe à la main de fer des Tuileries. L’intendance ne suit pas, et le masque est tombé : l’armée révolutionnaire et libératrice n’est plus. Les troupes françaises mènent des guerres d’agression, suivies de l’occupation, des taxes et de la conscription. Soudain, on est haï. La France n’a plus le monopole du patriotisme mobilisateur. L’occupation de l’Espagne, notre fidèle alliée de Trafalgar, tourne au désastre. L’annexion de Rome indigne. L’invasion de la Russie, enfin, sonne le glas. Napoléon se prenait pour un torrent que rien n’arrête mais avait oublié que les steppes russes sont une éponge que rien ne gorge. Villepin le montre sur cinq ans en train d’escalader en majesté mais seul les derniers degrés de son arc de triomphe, puis de les dévaler à une vitesse vertigineuse. Analysée par un ancien Premier ministre qui donne l’impression d’avoir saboté lui-même son destin, cette chute semble soudain claire comme de l’eau de roche (Tarpéienne). Lui aussi a conçu des rêves et, au moment de l’invasion de l’Irak, parlant avec émotion et profondeur des vieilles nations de la vieille Europe, il a même replacé un instant la France dans le cours de l’histoire, dont juin 40 nous avait expulsés. Mais il est lucide et il montre bien comment le vieux refrain de « la vocation universelle de la France » fut gangrené, dès 1810, par sa manie de poser des termes humanistes sur des comportements inhumains et vulgairement impérialistes. Un travers qu’il reproduit d’ailleurs quand il porte des jugements faussement émus et vraiment calculateurs sur le rôle de la presse française en Afghanistan. Chronique de Gilles Martin-Chauffier
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